Le funambule
« Non ! Mais non, ça ne va pas du tout ! Mais regarde-toi ! je t'ai demandé de t'effacer mais pas à ce point, on ne te voit même plus exécuter ton numéro ! »
L'homme s'assoit sur un nuage, ne répond rien, distrait il observe des oiseaux sortant d'une brume bleue.
« Allez, recommence l'enchaînement depuis le début ! »
L'homme reprend son chapeau et répète son numéro.
« Non ! On voit trop les nuages là ! Tu le fais exprès ? L'équilibre ! C'est pas dur, l'é-qui-li-bre. Tu vois même le mot est équilibré : Quatre syllabes, parfaitement symétriques. »
Le funambule l'observe puis détourne son regard vers un de ces oiseaux de brume qui s'approche, puis il reprend l'enchaînement.
Avant la dernière figure, il saisit l'oiseau et l'envoie avec une telle force sur le metteur en scène que celui-ci bascule de son nuage et dégringole.
« Un de moins ! Quand comprendrez-vous que pour être un vrai dieu de la création il faut panser ses anges ? »
Lou d'après « Highway »
Immersion
Depuis que j'ai ouvert les yeux, tout est bleu, même les nuages sont bleus et l'air est si léger que je m'envole. Étonnée, je regarde mon corps dont je ne vois que les contours. Le contour de mes mains, le contour de mes bras, le contour de mes jambes, comme une esquisse en quelques coups de pinceaux.
Voler, je n'ai pas l'habitude de ce mode de déplacement, mes membres agitent l'air, je ne sais pas où aller. Je lève les yeux et je vois l'homme qui danse sur une ligne tracée dans l'air. Un homme-contour laissant transparaître le ciel.
Il est suivi par les oiseaux et je le suis avec eux, je pourrais sacrifier un nombre considérable de plumes pour conserver cette légèreté.
Je l'appelle :
Toi, l'homme là haut, toi le frère des oiseaux !
et m'adressant aux mouettes :
Si on lui retirait ses ballerines et son chapeau ?
Les mouettes éclatent de rire
- Il ne tiendrait plus sur le fil ! Il ne tiendrait plus sur le fil !
A ces mots, le vertige me saisit, je m'accroche au fil de la page blanche et nous flottons comme un drapeau.